dimanche 24 avril 2011

Il s'assit à côté de moi

Je souris. Il s'assit à côté de moi et mon cœur se mit à battre durement, sourdement, parce que, dans son mouvement, sa main avait effleuré mon épaule. Dix fois, pendent la dernière semaine, mes brillantes manœuvres navales nous avaient précipités au fond de l'eau, enlacés l'un à l'autre sans que j'en ressente le moindre trouble. Mais aujourd'hui, il suffisait de cette chaleur, de ce demi-sommeil, de ce geste maladroit, pour que quelque chose en moi doucement se déchire. Je tournai la tête vers lui. Il me regardait. Je commençais à le connaître: il était équilibré, vertueux plus que de coutume peut-être à son âge. C'est ainsi que notre situation - cette curieuse famille à trois - le choquait. Il était trop bon ou trop timide pour me le dire, mais je le sentais aux regards obliques, rancuniers qu'il lançait à mon père. Il eût aimé que j'en soit tourmentée. Mais je ne l'étais pas et la seule chose qui me tourmentât en ce moment, c'était son regard et les coups de boutoir de mon cœur. Il se pencha vers moi. Je revis les derniers jours de cette semaine, ma confiance, ma tranquillité auprès de lui et je regrettai l'approche de cette bouche longue et un peu lourde. 


Françoise Sagan
Bonjour Tristesse 

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