mardi 26 avril 2011

Certains nuits d'été

Ou bien, certaines nuits d'été, ils marchaient longuement dans des quartiers presque inconnus. Une lune parfaitement ronde brillait haut dans le ciel et projetait sur toutes les choses une lumière feutrée. Les rues, désertes et longues, larges, sonores, résonnaient sous leurs pas synchrones. De rares taxis passaient lentement, presque sans bruit. Alors ils se sentaient les maîtres du monde. Ils ressentaient une exaltation inconnue, comme s'ils avaient été détenteurs de secrets fabuleux, de forces inexprimables. Et, se donnait la main, ils se mettaient à courir, ou jouaient à la marelle, ou couraient à cloche-pied le long des trottoirs et hurlaient à l'unisson les grands airs de Cosi fan tutte ou de la Messe en si.


Georges Perec
Un homme qui dort



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