samedi 26 décembre 2009

Ma chère Michèle

      J’ai un peu peur, je l’avoue, ici dans la maison. Je pense que s’il y avait ton corps nu, dans la lumière, au ras du sol, et que je puisse reconnaître ma propre chair dans la tienne, lisse et chaude, je n’aurais pas besoin de tout ça : au moment où je t’écris ces mots, devine, il y a précisément un emplacement étroit, entre la chaise longue et la plinthe, qui t’irait comme un gant ; il est strictement de ta longueur, 1 mètre 61, et je ne pense pas que son tour de hanches dépasse le tien, 88 cm et demi. Pour moi, la terre s’est métamorphosée en une espèce de chaos, j’ai peur des déinothériums, des pithécanthropes, de l’homme de Néanderthal (cannibale), sans parler des dinosaures, labyrinthosaures, ptérodactyles, etc. J’ai peur que la colline ne se transforme en volcan.
     Ou que les glaces arctiques fondent, ce qui ferait monter le niveau des mers et me noierait. J’ai peur des gens sur la plage, en BAS. Le sable se transforme en sables mouvants, le soleil en araignée et les enfants en crevettes.


Le procès-verbal / J. M. G. Le Clézio

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire