Il serait peut-être plus exact de dire qu'ils vivaient dans le souvenir de leur amour. Car, à chaque instant, ils pariaient sur leur première rencontre, sur leur première heureuse surprise. Reiko redécouvrait sans cesse dans son mari quinquagénaire le visage d'un garçon de vingt-trois ans. Et Ryôsuke redécouvrait sans cesse dans sa femme de quarante-cinq ans la fraîcheur de ses dix-huit ans. Est-ce grotesque ? Est-il impossible de faire comprendre à autrui une illusion aussi subjective de la beauté ? En fait, dès l'instant où ils cessèrent d'avoir vingt-trois et dix-huit ans, c'est-à-dire dès l'année suivante, c'était devenu l'objectif essentiel de leur vie ou plutôt face à la vie. Ils mirent de l'acharnement à s'y tenir. Ils revenaient à leur première vision, autant de fois qu'il le fallait, et l'extraordinaire jeunesse de leur apparence les y aidait.
Yukio Mishima
Un matinée d'amour pur
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