Combien depuis ce jour, dans mes promenades du côté de Guermantes, il me parut plus affligeant encore qu’auparavant de n’avoir pas de dispositions pour les lettres, et de devoir renoncer à être jamais un écrivain célèbre ! Alors, tout d’un coup un toit, un reflet de soleil sur une pierre, l’odeur d’un chemin me faisaient arrêter par un plaisir particulier qu’ils me donnaient, et aussi parce qu’ils avaient l’air de cacher quelque chose qu’ils invitaient à venir prendre. Je m’attachais à me rappeler exactement la ligne du toit, la nuance de la pierre, qui, sans que je puisse comprendre pourquoi, m’avaient semblé plaines, prêtes à s’entr’ouvrir, à me livrer ce dont elles n’étaient qu’un couvercle. Une fois à la maison je songeais à autre chose et ainsi s’entassaient dans mon esprit bien des images différentes sous lesquelles il y a longtemps qu’est morte la réalité pressentie que je n’ai pas eu assez de volonté pour arriver à découvrir.
Marcel Proust
A la recherche du temps perdu
Combray
Combray
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