mardi 9 novembre 2010

La force qu'il faut pour s'adapter


Cette image de l'écoulement infini du sable avait donné à l'homme un choc et une fièvre indicibles. Car la stérilité du sable ne tenait pas, comme le commun le pense, à son apparente nature, à sa simple sécheresse: elle tenait, se persuadait-il, à cet incessant écroulement par quoi le sable se manifeste comme l'irréductible adversaire de tout être vivant. Et l'homme avait alors pensé que, jour après jour, les humains, quant à eux, ne font que se tenir cramponnés les uns aux autres; et à ne considérer que la sinistre force de cet inéluctable instinct, à opposer sur la balance l'homme grégaire et le libre sable, l'effrayant contraste n'avait cessé de le hanter: "Oui, d'absolue certitude, le sable, parce qu'il se meut, est improbable à la vie. Mais est-il sûr que l'immobilité soit, quant à elle, l'indispensable condition de la vie ? De s'obstiner dans la fixité, n'est-ce point s'engager dans la plus odieuse des compétitions ? D'un côté, le Sable; de l'autre, l'Homme... Oui, mais, à supposer que, délaissant la fixité, un homme choisisse de se livrer tout entier au courant de l'écoulement du sable, alors ne se sauve-il point par là de la fatalité de la compétition ? Au fait, dans le désert, des fleurs fleurissent; dans le désert, des insectes vivent, et des bêtes. Capables de trouver en eux-mêmes la force qu'il faut pour s'adapter, ces êtres n'ont-ils point de la sorte mérité de sortir du misérable cercle de la compétition ? Tiens, mais... au fait, cette famille, entre autres, des cicindèles, qui m'avait si fort intrigué..."

Kôbô Abé
La femme des sables

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